De l’usine à gaz à l’hydrogène : le site d’Alfortville de NaTran, 70 ans au service de l’innovation
De la dernière grande usine à gaz construite au lendemain de la guerre, aux nouveaux bancs d’essai en hydrogène, le site d’Alfortville (Val-de-Marne) de notre centre de Recherche et Innovation NaTran R&I incarne soixante-dix ans d’innovation. Véritable laboratoire, il expérimente depuis son origine les solutions qui façonnent l’avenir des réseaux gaziers et désormais la transition énergétique.
Satisfaire les besoins urgents d'énergie d'après guerre
« C’est un endroit où les équipes ont toujours bénéficié d’une marge de manœuvre pour innover », lance d’emblée Vincent de Laharpe, responsable du site où il a débuté sa carrière en 1993.
Et pour cause ! L’histoire du site remonte au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Paris et sa région ont alors un besoin urgent d’énergie pour se reconstruire. Entre 1949 et 1956, Gaz de France (GDF) y érige l’une des plus grandes usines à gaz d’Europe. Ses moyens de production de gaz sont à la fois modernes et diversifiés : distillation de la houille, gaz à l’eau, craquage d’huiles de pétrole, mélange de gaz propane et butane et du gaz pauvre.
En parallèle, à partir de 1951, le premier réseau de transport national est construit entre Blénod (Meurthe-et-Moselle) et Alfortville pour acheminer le gaz des aciéries et houillères lorraines vers Paris et le tout premier réservoir souterrain de Beynes (Yvelines) y est raccordé. Alfortville devient un nœud gazier stratégique : le site commande le réseau de transport et de distribution dans la région parisienne.
« L’esprit du site est marqué par la notion de service public. »Vincent de Laharpe
Responsable du site (Direction des actifs industriels NaTran)
Un centre d’essais pionnier
En 1957, GDF décide d’implanter un centre d’essais pour les matériels de réseaux – une décision fondatrice. Relié à l’usine et proche de Paris, le site teste et qualifie les équipements nécessaires à l’essor du gaz naturel. « L’esprit du site est marqué par la notion de service public, souligne Vincent de Laharpe. Il s’est toujours agi de proposer des solutions au service de l’industrie gazière dans son ensemble. »
Au début des années 1960, des bancs d’essais reproduisent les conditions réelles d’exploitation du gaz : pression dans les canalisations, débits, fonctionnement des vannes, etc. Ces tests grandeur nature permettent d’anticiper les risques, de fiabiliser les installations et d’accompagner la mutation du secteur gazier vers des infrastructures à la fois modernes et sûres.
Des décennies d’innovation
Progressivement, Alfortville devient une référence en débitmétrie gazière, discipline dédiée à la mesure des débits de gaz. Dans les années 1970, l’introduction des techniques de mesure de débit massique par Venturi-tuyères, particulièrement précises et robustes, ouvre la voie au développement de systèmes de comptage transactionnels fiables et, ainsi, à l’essor du grand transport et des usages industriels du gaz.
Dans les années 1990, les micro-tuyères prolongent ces avancées en mesurant de très faibles débits, préfigurant les futurs compteurs domestiques.
De 2015 à 2022, le site participe d’ailleurs au développement du compteur communicant Gazpar. « Après la reprise du site, alors détenu par Engie, par Natran (précédemment GRTgaz) en 2018, une véritable dynamique d’investissements est enclenchée, qui en fait sa réussite actuelle », raconte Vincent de Laharpe. Un tournant vers la transition énergétique débute et, dès 2020, le site teste les premiers postes d’injection de biométhane, intégrant les gaz renouvelables dans les infrastructures existantes.
« Alfortville ne répond pas seulement à des sollicitations de clients, notre site est force de proposition pour résoudre des problématiques rencontrées sur le terrain »Vincent de Laharpe
Ancien responsable du site (Direction des actifs industriels NaTran)
L’hydrogène : un nouveau chapitre stratégique
Un nouveau chapitre s’ouvre encore en 2021 avec l’inauguration de la plateforme de recherche et innovation FenHYx, qui accueille des bancs d’essais statiques dédiés à l’hydrogène pour étudier ses effets sur la performance et la sécurité des matériels. Le programme SmHYre renforce ensuite ses capacités avec des moyens d’essais dynamiques dédiés à la mesure des débits de gaz et intégrés à une chaîne de mesure et d’étalonnage reconnue au niveau national et européen. « Alfortville ne répond pas seulement à des sollicitations de clients, notre site est force de proposition pour résoudre des problématiques rencontrées sur le terrain », éclaire Vincent de Laharpe.
Une station unique en Europe
Aujourd’hui, Alfortville est une station d’essais unique en Europe. Véritable terrain d’expérimentation, elle teste les équipements indispensables au fonctionnement des réseaux gaziers. Deux halls – l’un consacré aux matériels de réseaux, l’autre à la mesure des débits – et un laboratoire dédié aux solutions numériques (IoT) offrent un outil complet pour éprouver la fiabilité et la sécurité des infrastructures énergétiques. « Nous étudions par exemple la transformation des moyens d’essais pour le transport de CO2. Nous n’attendons pas d’être sollicités : nous faisons avancer les choses, avant que les besoins soient exprimés. »
En soixante-dix ans, l’usine à gaz a cédé la place à un laboratoire d’innovation de pointe, capable d’anticiper les transitions et d‘accompagner les grandes mutations énergétiques. « Le site a tissé un lien entre un passé dont on peut être fier et un futur passionnant. Il reste beaucoup de choses à faire, mais nous sommes en bonne voie », conclut Vincent de Laharpe.