Stratégie nationale de l’hydrogène décarboné : un tournant vers l’action

La nouvelle Stratégie nationale de l’hydrogène décarboné, publiée par le Gouvernement le 16 avril dernier, a donné un cap clair et attendu à la filière française. Avec des objectifs révisés mais réalistes de 4,5 GW d’électrolyse en 2030 et de 8 GW en 2035, cette stratégie conforte le rôle que l’hydrogène bas-carbone est appelé à jouer pour décarboner le système énergétique et notamment certains secteurs industriels clés, comme la chimie, la sidérurgie, le raffinage, ou le transport via la production d’e-fuels.
Vers un marché de l’hydrogène régulé en Europe
NaTran se félicite de voir apparaître les bases d’une régulation des infrastructures et du marché de l’hydrogène, sous la compétence de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
La mise en place du cadre régulé prévu dans les textes européens est un gage essentiel de visibilité pour l’ensemble des acteurs de la filière, en France comme dans l’Union européenne. NaTran occupe aujourd’hui la vice-présidence du « pré-ENNOH », la structure qui réunit les futurs gestionnaires de réseaux de transport d’hydrogène de l’UE (HTNO), préfigurant le Réseau européen des gestionnaires de réseaux d’hydrogène (REGRH, ou ENNOH en anglais).
Ce cadre devra être pensé différemment de celui des infrastructures électriques et gazières mis en place historiquement sur des marchés déjà matures. Un équilibre devra notamment être trouvé entre attractivité du tarif pour les premiers utilisateurs et incitation à l’investissement pour les opérateurs, par exemple via des mécanismes de lissage tarifaire et de garanties publiques associées à une planification de long terme. Pour jouer pleinement son rôle, la régulation devra aussi éviter de multiplier les dérogations qui fragmenteraient le marché au détriment des producteurs et des consommateurs d’hydrogène.
Les futures infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène : un enjeu majeur de souveraineté et de compétitivité
Pour la première fois, le rôle des infrastructures de transport et de stockage est pleinement reconnu. Elles sont désormais considérées à juste titre comme indispensables pour connecter l’ensemble des producteurs aux consommateurs industriels au cœur des futurs bassins industriels français, comme les zones industrialo-portuaires de Fos-sur-Mer et de Dunkerque, mais aussi la vallée de la Chimie, la vallée de la Seine ou encore la Moselle.
La priorité affichée par le Gouvernement - 500 km de réseau à l’horizon 2030 – vise à court terme le déploiement d’infrastructures au sein de hubs hydrogène (canalisations dites « intra-hubs ») et leur connexion aux infrastructures de stockage. Il s’agit d’un premier pas significatif et les projets initiés par NaTran dans ces hubs nationaux s’inscrivent dans cette trajectoire.
L’étude menée par NaTran avec RTE, en 2023, a démontré tout l’intérêt d’une co-optimisation entre les réseaux électrique et hydrogène. Les analyses croisant les enjeux des systèmes électriques et gaziers, montrent que le principal intérêt des infrastructures dédiées de transport d’hydrogène est de connecter les bassins hydrogène avec des stockages salins. En offrant un exutoire aux productions renouvelables électriques et un stockage massif d’énergie, le réseau et les stockages souterrains d’hydrogène pourraient générer jusqu’à 1,5 milliard d’euros de bénéfices annuels pour la collectivité d’ici à 2050. NaTran poursuit par ailleurs ses travaux sur le schéma directeur du réseau H2 français et ses atouts pour renforcer la flexibilité du système électrique.
Mais si la stratégie nationale privilégie à court terme une production domestique d’hydrogène, à plus long terme, elle précise aussi qu’un réseau européen de transport d’hydrogène pourrait voir le jour. Il permettrait ainsi de relier les zones de consommation aux régions présentant des coûts de production plus faibles que les productions françaises.
Les bénéfices associés à ces infrastructures transfrontalières d’hydrogène décarboné sont multiples :
- Une sécurité d’approvisionnement renforcée pour les consommateurs par le foisonnement des productions raccordées et par les stockages ;
- Une compétitivité accrue pour les industriels qui accèderont à un hydrogène décarboné produit en France ou importé notamment depuis la péninsule Ibérique qui concentre des conditions d’ensoleillement et de vent très performantes ;
- Une optimisation des coûts de production de l’hydrogène grâce à un fonctionnement flexible des électrolyseurs durant les périodes les plus pertinentes (production photovoltaïque de mi-journée, disponibilité nucléaire de nuit…), tout en assurant un approvisionnement continu des procédés industriels via les stockages.
Les consommateurs industriels ne s’y trompent pas. Le 7 novembre 2024, un Appel à Manifestation d'Intérêt (AMI) a été lancé pour le projet H2med, une infrastructure qui vise à interconnecter les réseaux d'hydrogène depuis la péninsule Ibérique jusqu’au Nord-Ouest de l'Europe, impliquant le Portugal, l'Espagne, la France et l'Allemagne. Près de 170 entreprises ont répondu et plus de 500 projets ont été déclarés, confirmant le rôle de H2med dans la réalisation des objectifs de décarbonation et de réindustrialisation des acteurs européens.
L’avenir des infrastructures se prépare maintenant avec toutes nos parties prenantes
En attendant, les délais nécessaires pour mettre en service ces infrastructures demandent un travail de fond (concertation, régulation, études technico-économiques…) qui mobilise les équipes de NaTran.
Après une première concertation réussie dédiée aux acteurs du marché de l’hydrogène en 2021, NaTran et Teréga ont décidé de réinvestir ce dialogue en 2025 pour actualiser et amplifier cette dynamique. Une démarche de concertation à destination de toutes les parties prenantes et acteurs des marchés de l’H2, mais aussi du CO2 et CH4, est engagée depuis le mois d’avril.
Cette concertation doit permettre de renforcer la vision commune et d’apporter de la visibilité à moyen et long terme sur les infrastructures d’hydrogène à l’horizon 2035. Elle a vocation à contribuer notamment aux travaux des pouvoirs publics sur les tracés envisagés des futurs réseaux d’hydrogène à l’horizon 2026.
Au niveau européen enfin, NaTran et sa filiale allemande sont impliqués dans le développement du réseau d’hydrogène allemand. Fort de l’appui du Gouvernement français, NaTran a obtenu en début d’année de précieuses subventions de l’Union européenne, dans le cadre du programme Connecting Europe Facility (CEF), afin de financer les études de faisabilité de plusieurs projets d’infrastructures transfrontalières.
Seul un marché européen de l’hydrogène intégré peut répondre aux impératifs de décarbonation et de compétitivité de l’industrie française et européenne. Récemment, le président de la République, Emmanuel Macron, et le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, ont exprimé conjointement dans une tribune leur volonté de réaliser des investissements efficaces dans les réseaux principaux, en particulier dans les infrastructures énergétiques transfrontalières.
NaTran entend s’inscrire dans cette nouvelle dynamique et apporter tout son savoir-faire à la réussite de ces projets d’avenir.
Sandrine Meunier est Directrice générale de NaTran
Transport d’hydrogène et projets d'infrastructure

Transport d’hydrogène
